Notre Histoire
C’était au cours de notre voyage au Niger, à la fin de la saison des pluies, en septembre 2005, chez les WODAABÉ *.
Notre copain Guillaume, guide et patron de l’agence « Couleurs d’Afrique » à Ouagadougou, Burkina-Faso, à qui nous demandions comment remercier ces gens qui nous recevaient, nous avait prévenus : « Ils montent une école, on achètera sur place des fournitures scolaires, quelques boîtes de craie, des ardoises, des bics et des cahiers, ça leur servira ».
Djouri et sa tribu nous accueillent. Puis il y a Assemblée Générale de l’Ecole. Ils sont une vingtaine à recueillir religieusement nos bricoles. C’est pour eux un signe que l’école va vraiment ouvrir. Nous on n’y croit qu’à moitié. Ils nous la font visiter. Pour nous c’est à l’opposé de ce que doit-être une école, pour eux c’est comme cela qu’ils la voient. Ils poseront fièrement devant elle.
Et puis, faire venir un instituteur là où il n’y a que l’eau de la mare pour le thé, pas de communications, pas d’électricité, au milieu de nulle part … Nous avons du mal à y croire.
On ne va tout de même pas les décourager. On se cotise et on achète les premiers sacs de mil, de riz, l’huile et les condiments pour tenir un trimestre.
Ce sont des enfants de nomades qui vont être alphabétisés. La seule solution c’est l’internat car les parents seront au loin à la recherche de pâturages pour leur troupeau. Il faut donc assurer leur nourriture. Les parents ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l’école s’ils doivent payer, ils n’en ont pas les moyens.
On se dit que c’est fichu, qu’on n’en entendra plus parler… et voilà qu’un fax de Djouri nous donne le nom de l’instituteur qui vient d’être nommé par l’Etat : Abdoulaye Galiou, la liste des 81 élèves, dont 31 filles. Il nous dit que c’est parti, que les cours n’ont commencé qu’en janvier, et il s’en excuse.
Il s’excuse pour un miracle qui a trois mois de retard !
Un trimestre se passe. Ils ont fini les provisions qu’on leur avait données, ils ne savent pas comment ils vont continuer.
En désespoir de cause Djouri prend le car et va chez Guillaume, au Burkina, pour lancer un appel au secours. Mail, téléphone, on dépanne en urgence en assurant la nourriture pour le mois d’avril car comment tuer l’espoir, qui oserait torpiller un miracle ?
Si on a de la sensibilité on se garde bien de sensiblerie. En toute lucidité on fait l’analyse suivante : 80 gamins de plus ou de moins à aller à l’école, ça ne changera pas le cours du monde. Par contre, que ces 80 gamins soient Wodaabé, cela peut donner à cette ethnie une chance de sauver sa culture.
Sans cela elle sera balayée par l’uniformisation. Sans une élite parlant le français (langue officielle du Niger) elle ne pourra pas tenir sa place dans le concert des ethnies voisines mieux instruites.
Ce n’est pas gagné mais on peut espérer que ce miracle en entraînera d’autres. Or, le point de départ du miracle, c’est cette école. Il faut qu’elle continue d’exister et soit pérenne, sans angoisse chaque fin de mois.
A nous huit, les participants du premier voyage, nous ne pouvons seuls soutenir cette cantine scolaire. Après bien des réticences nous n’avons pas trouvé d’autre solution que de créer une association. On a bien essayé de faire autrement, mais on n’y est pas parvenu.
On a pensé à vous pour nous aider à faire vivre cette école, et à rien moins que de tenter de sauver la culture Wodaabé.
Un griot qui meurt c’est une bibliothèque qui disparaît (dicton franco africain)
Une culture qui disparaît c’est carrément la bibliothèque d’Alexandrie qui brûle ! (çà, c’est de nous)
* Les Wodaabé sont aussi connus sous le nom de « Bororos », mais c’est en fait un terme méprisant puisqu’il s’agit du nom de leurs vaches.
… Voilà ce que nous écrivions en 2006…
Les étapes
(À suivre aussi sur le film : MEMS 2004-2014)
• Première étape : 2006 – Mil Espoir Mille Savoirs se constitue en association loi 1901 pour financer une cantine d’une capacité de 150 élèves sur les sites de Tanfirgen et Abilbal afin de permettre la sédentarisation des enfants scolarisés pendant les périodes de nomadisation des parents.
Cette aide est mise en œuvre localement par DJABBRAL, association d’éleveurs nomades WoDaaBe d’Abalak, région de Tahoua, au Niger
• Seconde étape : 2012 – Des élèves de l’école primaire accèdent au collège situé à Abalak, à deux heures de 4X4 du village. Nous achetons une maison pour les loger. Leur nombre grandissant, nous sommes obligés d’y adjoindre six chambres.
Nous continuons à financer les cantines dans les villages. Nous soutenons la vie des collégiens et les cours de soutien scolaire, qui leur sont dispensés l’après-midi. Nous aidons également les parents à payer les frais de scolarité.
• Troisième étape : 2016 – En 10 ans la dynamique de scolarisation s’est désormais installée. En primaire : 90 enfants sont scolarisés à Tanfirgen, sur 4 classes ; 39 enfants à Abilbal, sur 2 classes, et les effectifs du secondaire vont atteindre 73 élèves en 2018. Une « Ecole Numérique » de la Fondation Orange est installée à Tanfirgane.
• 2019 : MEMS aide 40 collégiens à Abalak et 15 lycéens à Tahoua (depuis sept. 2019) pour leurs inscriptions et l’aide alimentaire. Mais au total environ 70 élèves bénéficient de l’hébergement, des cours du soir et autres soutiens scolaires.
• 2020/2021 – Trois élèves ont obtenu le Baccalauréat et ont commencé des études universitaires dans des domaines aussi divers que l’Agronomie, la Sociologie ou la Géographie.
L’accès à la vie professionnelle se concrétise : deux élèves font des études professionnelles en Santé. Deux lycéens se sont engagés dans l’armée. Le Fonds de Dotation MEMS/Louis Galenc commence à apporter une aide financière aux études supérieures.
• L’avenir : MEMS souhaite continuer à aider Djabbral face aux défis qui concernent :
– l’amélioration de la qualité de l’enseignement primaire par des enseignants parlant la langue des enfants,
– la scolarisation des filles,
– l’accès à la culture générale et la connaissance du monde,
– l’accès à la formation professionnelle.